Devant la Roulotte d'Emir

*Emir arriva à la roulotte où un feu joyeux crépitait et rabattit enfin sa capuche.*

- Assied toi, je t'en prie, fit le professeur en s'installant sur l'un des poufs moelleux autour de l'âtre.
Alors, comment c'est passé cet exercice? demanda-t-il dans un sourire, tout en préparant un thé blanc.

Lëanë, marchant à la suite du professeur, s'arrêta quand celui-ci la pria de s'asseoir, et avisa le pouf le plus proche, avant de s'y laisser tomber, entraînée par la fatigue venant en après-coup, après le cours de cette matinée. Toutefois, au dernier moment, elle se retint, et y atterrit en douceur. Elle n'arrivait pas à se mettre à l'aise, malgré le confort que lui offrait le fauteuil. Assise sur l'extrême-bord, se tortillant un peu, gênée par la question que venait de lui poser l'enseignant, elle hésitait.
Elle y avait bien sûr réfléchit durant le trajet entre la lisière de la Forêt Interdite et la roulotte, à la suite de la phrase énoncée par le professeur Karajic, mais ne savait trop quoi dire, ayant du mal à distinguer fruit de son imagination et réalité, puisque désormais, elle appartenait au monde des sorciers, et n'était plus sûre de rien. Elle ne l'avait d'ailleurs jamais été, mais à ce point-là... Même après deux mois de cours, elle avait encore du mal à prendre ses repères. Et, alors qu'elle pensait y parvenir, voilà qu'arrivait un nouvel élément, qui la perturbait encore plus.

Elle finit par prononcer, d'une voix que peu distincte, timide :

"Ce... C'était très intéressant, professeur. Mais, je... je me posais une... question et peut-être pourriez-vous... y répondre ?", acheva-t-elle sa phrase comme si celle-ci était interrogative. La fillette garda les yeux baissés, se triturant les pouces, réfléchissant encore à ce qu'elle pourrait bien demander au professeur, exactement...

*Emir versa d'un geste de maitre le thé dans deux tasses dépareillées *

- Une question? Ma fois, si je peux t'aider, ce sera avec plaisir.
De quoi s'agit il? Des cours? Des animaux? De la foret? Du fait que tu aies senti les loups sans même les voir? laissa-t-il tomber sur l'air de la conversation, comme s'il continuait d'énumérer les possibilités.

Avec ou sans sucre? demanda-t-il d'un air candide en tendant sa tasse à Lëanë

Lëanë fronça ses fins sourcils quand le professeur Karajic mentionna de manière anodine ce qui la turlupinait tant, ne sachant quel réaction adopter : continuer sur le ton de la conversation banale, ou insister sur le point particulier qui l'intéressait. Pour finir, elle fit ce qu'elle faisait quand elle hésitait : elle tenta de gagner du temps, en répondant à la dernière question de l'enseignant :

"Avec, s'il-vous-plaît..."

Ce laps était certes très court, mais cela l'aida à faire suivre le reste de façon quasi-naturelle :

"..., quant à la question, ce... c'est à propos de ce que vous avez dit en dernier, sur... heu, les loups et que je les ais... heu, sentis."

Preque inconsciemment, elle se promit qu'elle ferait tout pour améliorer son élocution en cas de gêne : l'aisance des autres la mettait d'autant plus mal à l'aise qu'elle ne réussissait pas à les imiter. Mais en ce moment-même, elle ne pensait pas vraiment à ça, mais était plutôt tendue, penchée en avant, avide de la réponse que pourrait lui apporter le professeur, maintenant qu'elle avait énoncé, plus ou moins clairement, la raison de sa présence ici à cet instant.

- Ah jeune fille! s'exclama Emir, tu as du flair, je l'ai senti tout de suite.

*Il fit fondre une pépite de sucre roux dans la tasse de Lëanë avant de lui donner*

- Oh, ce n'est pas flagrant, mais on ne la fait pas à un vieil ours comme moi... Tu me diras, Sarah, je n'ai rien vu venir, mais on ne pas vraiment m'en vouloir, conclut il en repassant en revue les 50 et quelques chutes qu'avait faite la gamine en sa présence depuis l'année dernière.
Non, vraiment pas...

*Il ne comptait même plus ses allers retours sanglants à l'infirmerie et ses fuites éperdues aux fins souvent tragiques... quoique que... elle s'était nettement améliorée ces derniers temps... Elle n'avait rien perdu de sa loose légendaire, -peut on faire autrement avec un chat noir?- mais elle développait un embryon de confiance en elle qui la transformait lentement, mais surement. Emir en était convaincu. *

- Lëanë, sais tu ce que c'est qu'un animagus? demanda-t-il enfin, aprés un bref silence, plongeant ses yeux dans les siens.

La fillette saisit avec reconnaissance la tasse fumante, remplie de thé. Elle but une petite gorgée, non sans se brûler la lèvre et le bout de la langue, comme à son habitude - mais c'était le moment qu'elle préférait quand elle prenait de cette boisson chaude. Pendant ce temps, elle écouta attentivement ce que disait le professeur de soins aux créatures... Quand il prononça le nom de Sarah, elle vit dans sa tête un visage, mais elle n'arrivait pas à le discerner clairement. Ce ne fut qu'au bout de quelques temps d'effort qu'elle se rappela avoir aperçu Elfiane lui parler, en mentionnant son prénom... Une deuxième année de gryffondor, brune, si ses souvenirs étaient bons.
Lui revint alors en tête un bruit qu'elle avait surpris dans un couloir, une rumeur, dans des circonstances plus ou moins oubliées... Il lui sembla que c'étaient deux élèves qui plaisantaient, l'un semblait chercher Sarah, et l'autre lui avait répondu qu'il devrait chercher à l'infirmerie... En effet, par des allusions de diverses personnes, il lui avait semblé comprendre que la jeune fille était assez maladroite et elle avait aussi entendu quelqu'un qui la surnommait en l'associant à un chat... Elle ne se rappelait plus du terme exact.

Bref, après avoir soutiré de sa mémoire tout ce que celle-ci voulait bien lui donner à propos de ce simple prénom mentionné par l'enseignant en mettant ainsi la pause de celui-ci à profit, afin d'être plus ou moins prête à la suite (car, pour le moment, tout restait plus ou moins obscur pour la fillette).
Mais la question, si directe et soudaine, que lui posa le professeur Karajic la désarçonna. Toutefois, cette fois-ci, elle prit le temps de réfléchir avant de répondre. Animagus... ce mot lui disait quelque chose, bien qu'elle soit sûre de ne l'avoir jamais appris en cours. Peut-être dans un des nombreux livres déjà empruntés à la bibliothèque de Poudlard... Elle plissa les yeux : ça devait être ça, mais impossible de se rappeler exactement de la signification... Ca avait un rapport avec les animaux (pas très dur à déduire...) et avec les humains... une métamorphose ? Elle reconnut finalement :

"Non, pas vraiment... J'en ai entendu parler, mais comme je viens d'une... famille moldue et que j'imagine que c'est un terme magique, je crois bien ne pas savoir ce que ça signifie."

En son for intérieur, elle se réjouissait, car il allait sûrement lui expliquer ce que c'était qu'un... animagus, elle connaîtrait quelque chose de plus et ça avait l'air important, en plus ! Et surtout, non sans rapport avec son étrange comportement dans la forêt ! Ses yeux brillaient légèrement, tandis qu'elle but à nouveau quelques millilitres de thé.

- Un animagus est un sorcier capable de se transformer en animal, fit Emir le plus simplement possible.
Bien sûr, tu n'es pas assez naïve pour croire qu'un tel don te tombe dessus du jour au lendemain. C'est un apprentissage acharné... mais pour quelle récompense! acheva-t-il les yeux dans le vague.

Le Ministére de la Magie recense, ou plutôt essaye, rajouta-t-il dans un sourire, de recenser tous les Animagus car leur don est quelque chose de rare et de précieux, et de parfaitement redoutable...

*Emir continua son discours, expliquant à Lëanë les lentes étapes et le travail considérable que demandait un tel don. Et puis, avec emphase, il aborda le vif du sujet: la chance unique d'appartenir à quelque chose d'encore plus précieux que l'humanité... quelque chose qui lie au delà de la magie... un pied dans la terre mére en quelque sorte, la Nature avec un grand N...*

- Si je te parle de tout ça, c'est que... Tu as un parfum spécial, fit il en espérant que la métaphore la plus simple serait la plus parlante.

J'aimerai que tu passes le test Animagus, déclara-t-il finalement. Ca n'a rien de douloureux, et ça nous permettrait d'en savoir un peu plus.
Qu'en dis tu?

Comme l'enseignant l'avait dit, bien qu'elle gardât encore sa naïveté d'enfant, Lëanë ne l'était pas à ce point-là, et elle s'émerveilla surtout lorsque le professeur Karajic décrit le don, la chance incroyable que d'être un Animagus. ses yeux pétillaient d'un maëlstrom de sentiments : bonheur, joie, excitation, enchantement, et tant d'autres encore. Même s'il mentionna la difficulté de parvenir à maîtriser un tel don, elle garda son enthousiasme, muet jusqu'à la question finale du professeur.
A cet instant, elle rassembla ses esprits, et répondit avec empressement :

"Oui !
Je veux dire... J'aimerais vraiment pouvoir le faire et... j'aimerais tant être un Animagus !", précisant ce qui n'avait pas besoin de l'être, vu l'éclat de ses yeux. Elle ajouta cependant, soudain redevenue grave, presque inquiète :

"Comment vas se dérouler le test ? Vous m'aiderez ? Et... il est tout de même possible que... je ne sois pas Animagus, non ?"

Elle venait de penser à ça, et se sentait tout à coup un peu anxieuse face à la déception qui en résulterait, après la description que venait de faire le professeur Karajic : être plus proche de la Nature avait toujours été un rêve qu'elle chérissait jusque-là, voilà qu'on lui montrait qu'il pouvait prendre forme mais... mais si tout s'écroulait ? Ses sourcils formaient soudain un pli soucieux, et elle était devenue en quelques instants très pessimiste, et doutait d'elle-même...
Enfin... ce qui arriverait arriverait, n'est-ce pas ? Mais elle avait encore du mal à relativiser.

- Tu n'auras pas besoin de moi pour le test, mais je serai là ,fit Emir en riant, heureux de l'enthousiasme de la jeune fille.
Le test parlera à ton animal intérieur, ça ne prendra que quelques minutes... quelques minutes qui pourraient bouleverser toute ta vie, finit il dans un sourire complice.

*Pour la dernière question, Emir se laissa un temps de reflexion.*

- Bien sûr, il se pourrait que tu ne sois pas Animagus, il est possible que mon nez m'ait trompé... il est possible aussi qu'un jour, Dumbledore demande à aux Moldus de fournir Poudlard en electricité... il est possible aussi que le professeur Rogue n'ait pas les cheveux gras mais que l'éclairage des torches et des bougies ne lui réussissent tout simplement pas...
Ne sommes nous pas au coeur de la magie aprés tout? demanda-t-il dans un sourire.

*Il finit son thé d'une traite et se leva*

- Rendez vous ce soir aprés le diner, fit il en souriant. nous verrons bien à ce moment là à quel champs des possibles tu appartiens.
Maintenant, excuse moi mais je dois m'occuper de nos pensionnaires, conclut il en jetant un regard vers l'appentis d'hagrid, au loin.

La fillette fronça ses sourcils, mais n'insista pas, soulagée qu'il soit là. De plus, s'il s'agissait d'une simple conversation... Pas si simple, évidemment, elle s'en doutait, c'était juste une manière de parler. Elle avait hâte d'être au soir, et avait repris confiance en elle, quand le professeur avait énuméré des comparaisons, qui la firent même sourire.
Lëanë acquiesça donc, quand Emir Karajic lui expliqua qu'il devait y aller, et prit congé, après avoir, à l'instar de son professeur, vidé son thé - qui commençait d'ailleurs à refroidir, auquel cas il perdait son goût. Elle lança, en se levant de son pouf :

"D'accord, professeur !

A ce soir, donc... Bonne après-midi !"

Puis elle quitta les lieux, toujours sous la pluie battante, pour foncer rejoindre ses camarades dans la Grande Salle. Elle espérait vaguement qu'ils n'aient pas fini de manger, mais elle songeait plutôt à tout ce qu'elle venait d'apprendre en quelques temps. Cela lui semblait encore trop irréaliste, et était trop proche encore pour qu'elle puisse y penser objectivement, mais son esprit s'échauffait déjà, envisageant les perspectives les plus folles. Elle avait toujours à l'esprit les avertissements du professeur quant à la quantité de travail à fournir, mais pour le moment, son enthousiasme semblait inaltérable, malgré la pluie qui tombait à verse.